Comment j’ai appris à vivre avec mon eczéma

Comment j’ai appris à vivre avec mon eczéma

Témoignages

Photos Creative Commons CC0

Texte Anthony Vincent

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Anthony, 25 ans, raconte comment il a appris à gérer sa peau atopique et à prévenir l’eczéma.

Avez-vous déjà dormi avec des gants de boxe ? C’est l’une des solutions farfelues que j’ai essayées pour éviter de me gratter dans mon sommeil. Depuis l’âge de 4 ans, je retrouve régulièrement du sang sur mes draps et mes pyjamas, en particulier au niveau des coudes, des genoux, des poignets, de la nuque, et de l’arrière des oreilles. C’est à mon entrée en primaire à 6 ans que s’est développée ma plaque la plus importante au niveau du tibia droit : d’abord de la taille d’une pièce de 2€, l’inflammation a rapidement dépassé celle d’un billet de 500 à force de grattages méticuleux. J’allais devenir riche d’urticaires.

Comprendre ce qu’est l’atopie

J’ai donc commencé à voir une dermatologue qui m’a expliqué (ou plutôt a expliqué à ma mère) que je souffrais d’atopie, soit une prédisposition génétique au développement cumulé de certaines allergies : dermatite atopique (une forme d’eczéma), rhinite et sinusite. En effet, plusieurs membres de ma famille du côté de mon père en souffrent également (merci papa).

Ni infectieux, ni contagieux, l’eczéma est une inflammation chronique cutanée qui correspond à une réaction immunitaire. C’est le corps, hypersensible, qui envoie un signal d’alarme pour dire que quelque chose ne lui convient pas. Si ce type de dermatite est fréquent chez les enfants, il disparaît pour 8 gratteurs sur 10 à l’âge adulte. La dermatite atopique peut être décuplée par l’environnement (à cause du pollen, des acariens, du milieu urbain, d’un manque d’humidité, de la dureté de l’eau), l’alimentation (en cas d’intolérances au lait de vache, au gluten, au soja, etc), ou encore certains comportements (trop d’antibiotiques durant la grossesse ou la petite enfance).

Les pommades à base de cortisone

Sur les conseils de mon pédiatre et de ma dermatologue, ma mère m’a amené à l’Hôpital Cochin à plusieurs reprises. J’en garde peu de souvenirs, si ce n’est de pouvoir rater l’école afin de faire trempette dans différents bains extrêmement gras, puis de retourner en classe avec des pansements immenses pour protéger mes plaques et dramatiser mon histoire auprès des copains tel un survivant de guerre. Au bout de quatre passages en hôpital de jour espacés de quelques mois, mon état s’était suffisamment amélioré pour que je puisse me contenter de me tartiner de cortisone tout seul à la maison.

Il faut bien comprendre que les dermocorticoïdes (les pommades à base de corticoïdes) ne guérissent pas l’eczéma et n’empêchent pas les récidives, mais soulagent seulement les démangeaisons en diminuant la réaction inflammatoire de la peau. Seulement, ces médicaments ont tendance à fragiliser la peau, donc ils doivent être utilisés avec parcimonie en situation de crise. Il faut même suivre une utilisation en décroissance progressive pour éviter l’effet rebond (et ne pas provoquer par un arrêt brutal une insuffisance surrénalienne, c’est-à-dire une paresse des glandes surrénales chargées de synthétiser et libérer dans le sang certaines hormones).

Le plus contraignant restait qu’en classe de neige ou en colonie, je devais me badigeonner de mon armada de Diprosone, Diprolene, Locapred et autre Dexeryl systématiquement devant une infirmière chargée de surveiller toute prise médicamenteuse par les enfants. Autant vous dire que c’était gênant.

Le cercle vicieux des complexes, du stress et de l’eczéma

Justement, les complexes provoquent du stress, ce qui favorise encore plus l’eczéma. Pour éviter toutes moqueries sur ma peau de crocodile tachée de plaques, je me suis habillé en baggy et sweat XXL afin d’être le plus recouvert possible de la primaire à la fin du collège, puis systématiquement en manches longues au lycée quand l’excuse de la mode des nineties ne tenait plus.

Si mon eczéma s'aggravait en période de stress comme celui des examens, il se faisait totalement oublier une fois en vacances estivales dans ma Martinique natale, où le soleil, la mer, et l’eau courante non-calcaire faisaient des merveilles.

L'eczéma de contact

Lors de mon premier job étudiant, chez Quick à 18 ans, j’ai rapidement développé une forme de la maladie beaucoup plus originale : l’eczéma de contact. Soit une plaque généralisée sur l’ensemble de mon torse jusqu’à l’endroit précis où s’arrêtaient les manches de mon uniforme en synthétique que je détestais. J’étais littéralement allergique à mon travail, particulièrement stressant. Heureusement, je l’ai arrêté au bout d’un an. Depuis, c’est au niveau de mes mains que surgit l’eczéma de contact en période de stress, ce qui est finalement beaucoup plus handicapant.

Également appelée dyshidrose, cette maladie inflammatoire chronique de la peau des mains évolue par poussées, comme une allergie qui survient même en l’absence de terrain allergique. Elle s’installe en quatre stades au niveau de la paume et de la tranche des doigts : d’abord des taches rouges chaudes qui démangent, puis la formation de micro-cloques, lesquelles deviennent ensuite des croûtes de grattage jaunâtres, avant de finir en squames. Si j’ai le malheur de me gratter, cela déclenche un suintement purulent qui ralentit la cicatrisation. Quand mon eczéma des mains s’éternise, ma peau s’épaissit et devient plus foncée, ce qu’on appelle le phénomène de lichénification.

Les bons réflexes au quotidien

Aujourd’hui, je souffre encore d’eczéma, même si j’en ai beaucoup moins que pendant mon enfance. Il surgit surtout en période de stress, au niveau des mains, de l’intérieur des coudes et derrière les oreilles. Pour contrecarrer sa progression, j’ai besoin d’utiliser des produits hypoallergéniques, avec le minimum de parfum possible.

Dans ma salle de bain, j’utilise des gels douche sans savon comme ceux d’Horace ou des huiles lavantes surgrasses pour préserver au mieux ma peau. Je me tartine systématiquement d’hydratant corporel après chaque douche, hiver comme été (sauf en Martinique) : la valeur sûre qu’est le Dexeryl en hiver, du baume nutri-fluide Trixera d’Avène en mi-saison, et le lait sans parfum Bare de John Masters Organics pendant l’été. Sur mon bureau, le flacon-pompe de crème prébiotique mains de Ren Skincare s’avère bien pratique pour m’hydrater après chaque lavage des mains, et j’ai toujours dans mon sac le baume hydratant mains d’Horace. Si l’envie de me gratter me prend, au lieu de céder aussitôt aux sirènes des dermocorticoïdes, j’applique un peu d’hydratant riche pour nourrir et apaiser la zone en manque d’attention. Son format compact et résistant me permet de l’emmener partout.

Au quotidien, j’évite de faire la vaisselle sans gants et de caresser les barres de métro à mains nues évidemment. Je ne choisis que des vêtements en matière naturelle et porte systématiquement un tee-shirt à manches longues sous mes pulls pour prévenir toute irritation. Je n’utilise jamais d’adoucissant, n’emploie que des lessives hypoallergéniques, et pulvérise mon parfum sur mes vêtements plutôt que ma peau. Je porte les ongles courts pour éviter de me gratter sévèrement et tous mes amis sont briefés pour m’engueuler dès que je commence à me gratter. Comme le soleil a un effet bénéfique sur ma peau, j’en profite pour faire bronzette avec un bon SPF dès que l’occasion se présente.

Bref, les conseils pour prévenir l’eczéma reviennent tout simplement à suivre une bonne hygiène de vie, avec beaucoup d’hydratant en plus. Rien que la crème de la crème.

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