Dans la routine de Yannick Do Dans la routine de Yannick Do

Dans la routine de Yannick Do

Entretiens

Photos Louis Muller

Texte Anthony Vincent

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Le responsable retail de Nike et DJ nous parle coiffeur, musique africaine et classiques de la parfumerie.

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Quand Yannick Do nous accueille dans son appartement verdoyant du 19e arrondissement, on se retient de lui demander d’emblée si son nom de famille le prédestinait à travailler dans la musique. Après des études d’audiovisuel et la direction artistique du label Because Music, il travaille désormais en tant que responsable retail marketing chez Nike. « La marque m’a repéré il y a 10 ans, pour le 25e anniversaire de la Air Force One. Ils cherchaient quelqu’un de jeune pour en incarner l’histoire » se souvient-il. « C’était avant l’essor des réseaux sociaux en France, on parlait à peine d’influenceurs et on connaissait alors les gens vraiment pour ce qu’ils font plutôt que ce qu’ils montrent. Aujourd’hui tout le monde prétend être un directeur artistique en puissance. »

Just DO it

Lui préfère distiller son influence en toute discrétion, dans le monde de la mode, de la musique et de la nuit : « J’ai de la chance puisque toutes mes activités se goupillent bien : du lundi au vendredi je travaille au siège de Nike depuis un an et demi, et j’anime une émission musicale un dimanche sur deux pour la radio Rinse. En la préparant, cela me permet de me tenir informer sur les sons que je pourrais mixer en soirées ».

Depuis cinq ans, ce slasheur de 35 ans, bien dans ses baskets (corporate) ambiance même ses propres nuits, baptisées « 97% Africa ». « À côté de l’électro et du hip hop qu’on trouve facilement en club, j’étais en manque de musique africaine avec laquelle j’ai toujours vécu » se remémore celui qui a grandi entre la France et le Togo. « C’est presque parti d’une blague avec un pote à qui je disais ‘‘il faut qu’on fasse une soirée 100% Africaine !’’, mais on craignait de faire peur aux gens. Alors on s’est dit ‘‘97%’’ pour laisser de la place à d’autres types de musique, et en clin d’œil au pourcentage bidons obtenu aux élections de mauvais dictateurs africains ». Loin des questions de quota à atteindre, ses nuits métissées fédèrent autour de sons encore peu connus en France.

DJ couche tôt

Pour mener à bien cette vie rythmée, Yannick Do suit une routine réglée comme du papier à musique. Contrairement aux clichés autour des DJ, il se couche tôt en semaine, vers 22h30, pour se réveiller naturellement à 6h15, sans alarme. Il reste une heure dans son lit à planifier mentalement sa journée, prendre des notes, checker mails et réseaux, et se lève pour un expresso et une barre de céréales. « Le minimum pour ne pas tomber dans les pommes. »

Sous la douche, « j’utilise du savon de Marseille ou du gel douche et un filet en plastique, qu’on utilise beaucoup en Afrique pour se frictionner comme avec un gant de toilette ». Avant de se brosser les dents avec le Marvis blanchissant et la brosse à dents Horace, il mâchonne un bâton de siwak pendant une dizaine de minutes. L’intérêt ? Une fois bien mordillé sur un centimètre pour se débarrasser de l’écorce de ce bout de bois et le rendre plus filandreux, on peut frotter son sourire avec, afin de profiter de ses bienfaits - au menu, des pouvoirs nettoyant, désinfectant, et même des fluorures, reconnus par plusieurs études et l’Organisation Mondiale de la santé.

Contrairement au Togo où sa peau ne réclame aucun secours cosmétique tant l’eau et le climat sont idéaux, le calcaire et la pollution parisiens dessèchent son épiderme. « Du coup, je passe du lait corps pour peaux très sèche sur ma peau. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour avoir un produit suffisamment gras et ne pas finir avec la peau qui tiraille en fin de journée. Je crois que je n’avais jamais utilisé de crème visage de ma vie », confesse-t-il. Non parce qu’il est contre, mais parce qu’il n’avait jamais trouvé crème à son derme. Et ce, par manque d’information. Il utilise depuis peu la crème hydratante Horace, qui semble lui convenir.

« Je n’ai jamais eu le sentiment que des marques s’adressaient à moi. Autant les femmes noires peuvent trouver facilement leur compte aujourd’hui, autant les hommes noirs n’ont pas encore cette chance. Des marques dédiées existent sans doute, mais elles sont moins mises en avant ou faciles d’accès ». Par défaut, il utilise donc les mêmes produits élémentaires depuis l’enfance, qui ont toujours fonctionné pour lui, avec peu de variation. Un peu de cire pour les cheveux, une chemise, un chino, des Nike ou des Converse plus tard, et Yannick Do se rend en voiture au bureau.

Solidifier son image

Aller au plus pratique pourrait être le credo grooming de cet esthète de l’image et du son. Le seul autre produit qu’il utilise s’avère être une crème pour les mains « extra sèches, voire gercées », achetée en grande surface. Côté poil, le fringant trentenaire se rend chez le coiffeur-barbier tous les dimanches soirs. « Pour moi, le comble de l’élégance, c’est quand personne ne peut remarquer que tu t’es coupé les cheveux. Si j’ai le malheur de rater un rendez-vous, je porte une casquette ! » Cela fait quinze ans qu’il porte la même coupe dégradée, bien vue et reconnue. Véritable gourou grooming, son coiffeur s’occupe également de raser sa barbe qui pousse lentement et de lui prodiguer quelques conseils.

« Je travaille dans les métiers de l’image. L’apparence est un langage, c’est la première chose que l’on communique aux autres, alors j’y fais très attention », estime Yannick dont la constance rassure, solidifie son image de type solide. « Avec le temps, mon style a mûri, s’est affiné, et je ne porte aujourd’hui qu’une quinzaine de runnings retros, contre les 150 paires que je pouvais encore cumuler il y a 10 ans. »

Pour signer cette allure, il s’intéresse également aux parfums. « Je ne portais que de la niche depuis des années, dont le dernier en date, Baudelaire de Byredo. » Mais depuis quelques mois, il s’est remis à porter des parfums de grandes marques en vogue dans les années 1990 qu’il adorait : Kouros d’Yves Saint Laurent, Fahrenheit de Dior, et Tsar de Van Cleef & Arpels. « Aujourd’hui, tous les hommes ont délaissé ces classiques pour de la niche mais finissent quand même tous par sentir pareil. Tu ne peux pas faire 100 mètres sans tomber sur un mec qui porte Bois d’argent de Dior, alors que c’est censé être une collection privée. La niche est devenu le nouveau mainstream ». À bon ‘‘olfacteur’’…