Dans la routine de Vidal Benjamin Dans la routine de Vidal Benjamin

Dans la routine de Vidal Benjamin

Entretiens

Photos Louis Muller

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Le DJ nous parle huile d'olive crétoise, brocantes et crème hydratante appliquée sur les chaussures.

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C’est par un lundi après-midi pluvieux que Vidal Benjamin nous accueille chez lui, au coeur du Marais. Lundi après-midi, vraiment ? Tout est une question de vision : pour Vidal, qui mixait jusque tard la veille, la journée est encore jeune. C’est donc autour d’un café serré que nous discutons de ses habitudes.

Vidal a la quarantaine. “La quarantaine radieuse, on pourrait dire”, s’amuse-t-il. Il est DJ la nuit, et enseignant, le jour, à l’université. De cette double vie, il ne parle que très peu, préférant se concentrer sur ce qu’il fait de ses heures perdues, c’est à dire découvrir et faire découvrir de la musique. “J’aime bien perdre ces heures-là, on va dire”. Lorsque l’on jette un oeil à son appartement et à son impressionnante collection de disques, on le croit volontiers.

On pourrait définir Vidal Benjamin comme un véritable activiste musical. DJ, il est aussi un insatiable cratedigger, auteur d’une remarquée compilation - “Discosympathie”, dédiée au French Boogie, cette branche francophone de la Disco, chez Versatile, label créé par l'un des grands hommes de la French Touch, Gilb’R.

C’est d’ailleurs à l’époque de la French Touch que Vidal a commencé à s’intéresser au djing. “J’étais d’un naturel plutôt réservé, mais j’adorais l’ambiance des boîtes de nuit, qui exerçaient sur moi une certaine fascination. J’étais très intrigué par les djs, qui semblaient s’énerver sur leurs disques, et je me suis dit que j’allais essayer de m’y mettre”, raconte aujourd’hui celui qui n’a jamais lâché les platines. Ses références, au début, sont les grands classiques de la période : “j’allais aux soirées Respect, j’écoutais de la deep house, de la house, qui passait sur FG, Radio Nova”.

Très vite, Vidal et quelques copains commencent à devenir de vrais dénicheurs de disques rares. “On faisait des mixes à partir de disques chinés dans des brocantes, qu’on allait chercher un peu dans ce qu’on pourrait qualifier de bacs à merde, où on trouvait de tout”. Très vite, les mixes de Vidal trouvent un écho à l’étranger, notamment en Angleterre, au Japon ou en Allemagne. “Et aux États-Unis, bien sûr, avec le travail de djs comme Lovefingers”.

Du temps dans les brocantes, Vidal en a passé énormément, développant au passage un intérêt particulier pour la beauté des objets en tout genre. “C’est une sorte de sensibilité que tu développes lorsque tu traînes dans les brocantes : tu te lèves le dimanche matin pour aller fouiner quelque part, parfois très loin de chez toi, donc mieux vaut être curieux”. Il n’est donc pas étonnant de voir Vidal s’exprimer avec autant de passion sur une lampe (“achetée pour 15€ en brocante, puis vue pour 100 fois plus cher aux puces de Clignancourt”) que sur un obscur disque de zouk. “La brocante, c’est une véritable aventure urbaine, on va au contact de gens qu’on ne rencontrerait pas autrement que par cet intermédiaire”.

L’homme confie tout de même être moins assidu qu’il n’a pu l’être : “avant, je pouvais me lever à 5h pour aller en province, en banlieue lointaine, mais je le fais beaucoup moins, avec l’âge et la flemme”. Le besoin d’être le premier à se pencher sur les bacs à disques pour découvrir la perle rare ne se fait plus ressentir : “les disques qui m’intéressent ne semble intéresser personne d’autre, donc je peux facilement trouver des choses à 15h”. Il ne cache tout de même pas son enthousiasme à l’idée de découvrir du pays le dimanche : “dans mon quartier, je croise quelqu’un tous les trois mètres, c’est donc avec plaisir que je m’échappe lorsque l’occasion se présente”.

Il faut dire que cela fait 20 ans que Vidal Benjamin vit dans le Marais. “C’est l’appartement dans lequel j’ai toujours vécu depuis que j’ai quitté le cocon familial - qui n’est qu’à quelques encablures”, rit-il.

Sur les étagères de cet appartement se côtoient donc une vingtaine d’années de documents - vinyles, mais aussi livres de la matière qu’il enseigne, le droit. Impossible, à la vue de ce mélange hétéroclite, de ne pas se demander comment l’homme jongle entre ces deux vies. “Il y a le Vidal diurne, et le Vidal nocturne : le Vidal diurne a pris soin de placer ses cours en milieu de semaine pour éviter la fatigue d’après soirée”. Le Vidal nocturne, de toute manière, est d’un naturel sage : “je carbure à la menthe à l’eau, et me limite à deux ou trois verres”.

L’homme a également un incroyable secret pour éviter les effets de ces verres : avant de sortir, il avale une cuillère à soupe d’huile d’olive crétoise, offerte par son ami Chris Kontos. “Cela permet de mieux faire glisser l’alcool dans l’organisme, d’éviter qu’il ne pénètre facilement dans les vaisseaux sanguins”. Vidal s’amuse à imaginer une explication à ce rituel athénien : “on pourrait dire que c’est le secret des Horaces pour rester impeccable toute la nuit, tandis que les Curiaces, eux, se décomposent progressivement à cause de l’alcool”.

Les jours de cours, Vidal se réveille tôt, vers 6h30. Le reste de la semaine est plus souple : “je me lève selon mes besoins, mais souvent vers 9h”. Lorsqu’il n’enseigne pas, Vidal est souvent à la bibliothèque, à préparer des cours ou à faire de la recherche. “Je travaille sur des articles, prépare mes cours : la bibliothèque, c’est un lieu d’échanges avec les collègues, où nous échangeons sur notre travail et nos recherches en cours”. La veille des cours, il confie aisément avoir du mal à s’endormir : “j’ai une sorte de trac de comédien, car même si j’ai un support écrit méticuleusement préparé, j’aime agrémenter mon cours d’anecdotes et de petites histoires pour divertir les étudiants”.

Qu’il soit pris par le trac du comédien prêt à monter sur scène ou qu’il s’apprête à passer une journée en bibliothèque, Vidal Benjamin déguste le même petit-déjeuner : un jus de pomme bio, un café très corsé (“j’ai besoin d’un gros shot de caféine”) et des gaufres à la farine d’épeautre et au miel. Une chose change toutefois, selon l’activité du jour : la manière de s’habiller. “Si je dois donner un cours, je mets un costume, ou au moins une veste et une cravate - c’est une forme de respect que je témoigne à mes étudiants, je veux être présentable devant eux”.

Le reste de sa routine est plutôt simple, avec un déodorant à la pierre d’alun et un pain de savon au pH neutre, ainsi qu'un nettoyant purifiant. “J’utilise le shampoing Sachajuan pour cheveux normaux, que j’apprécie particulièrement car il donne à mes cheveux une vigueur que j’aime beaucoup”. Pas de crème hydratante en revanche : l’homme la réserve à… ses chaussures : “dans les chaussures en cuir douloureuses, j’applique une quantité astronomique de crème hydratante bon marché pour assouplir le cuir et pouvoir, enfin, marcher avec sans saigner”.

L’homme a connu, dans le passé, des problèmes de peau, qui semblent être de l’histoire ancienne : “j’ai eu une vraie adolescence acnéique, et je pense que c’est pour cette raison que je suis aujourd’hui peu ridé, malgré mon grand âge”, explique-t-il amusé. Pour hydrater sa peau, Vidal utilise une crème pour les mains, venue de la mer Morte et ramenée par ses parents : les minéraux de ce vaste lac salé s’étendant entre Israël et Jordanie sont particulièrement réputés pour leurs vertus pour la peau. Là encore, Vidal Benjamin nous raconte l’histoire de ce produit avec passion, comme un homme que tout intéresse. Très vite, pourtant, la conversation dévie : il préfère nous parler de ses enceintes, des merveilles de clarté sonore elles aussi trouvées en brocante, et nous faire la démonstration, avec un disque rare de sa collection, de leur qualité.

Cela ne fait aucun doute : le son est sa vraie passion.

Photos : Louis Muller

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