Dans la routine de Raphaël Rodriguez Dans la routine de Raphaël Rodriguez

Dans la routine de Raphaël Rodriguez

Entretiens

Photos Otto Seubu

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Portrait de l'un des membres du quatuor de réalisateurs Megaforce.

Pour le non-initié, Megaforce pourrait presque être une groupe de musique. Pour son nom, déjà, qui rappelle le hard rock des années 80. Pour sa structure, l’entité étant composée de quatre personnes, aussi. Pourtant, que nenni : il s’agit d’un quatuor de réalisateurs, une chose plutôt rare dans le métier, plus habitué aux loups solitaires ou aux duos. Nous avons discuté avec l’un de ses membres, Raphaël Rodriguez : au programme, comment gérer une collaboration à quatre, évidemment, mais aussi et surtout ce qui fait son quotidien.

Raphaël a 33 ans. Il est graphiste de formation. À l’école, il rencontre Charles, l’un des autres membres fondateurs de Megaforce. Ils commencent à travailler ensemble à la fin de leurs études, se lançant très vite dans la vidéo : leur premier clip, pour les Naïve New Beaters, groupe français, est tourné en 2007. « Le tournage a duré 6 mois, répartis sur des week-ends, alors que nous n’étions pas encore représentés par une société de production », raconte-t-il aujourd’hui.

« Nous avons commencé en pleine période de la French Touch 2.0, où des réalisateurs comme Jonas & François ou Romain Gavras marchaient très bien : c’était une époque très bénéfique aux réalisateurs français de clips, jeunes de surcroît », explique aujourd’hui Raphaël. Pourtant, ils n’ont pas pour autant abandonné les activités de graphisme et de direction artistique : « nous essayons, un peu par passion, d’en faire chez Megaforce, même si la vidéo est très prenante ». Parmi les productions du groupe, on trouve par exemple des pochettes d’albums, pour Kitsuné notamment, et des clips, évidemment, pour Metronomy, Tame Impala, ou Madonna. Un premier très gros client. Récemment, les Megaforce ont réalisé des publicités, pour Volvo ou Dior Farhenheit, mais aussi un clip que presque tout le monde a vu : celui de « Bitch Better Have My Money » de Rihanna.

Salon

« Travailler en quatuor, c’est presque comme être dans un groupe de musique, sauf que là où chez eux il y a un batteur, un bassiste et autres, nous sommes quatre à remplir le même rôle de réalisateurs ». La cohabitation, dès lors, peut être complexe, même si Raphaël explique qu’elle se passe très bien, entre des membres qui sont aussi et avant tout des amis. « Nous sommes de plutôt bonne composition ». Chaque membre de Megaforce, pourtant, a sa propre manière de travailler, son univers, et “amène son eau au moulin”, de l’aveu même de Raphaël. D’ailleurs, ils travaillent généralement en duo. « Nous travaillons plutôt par deux : c’est une bonne manière de faire plus de projets, d’en mener plusieurs de front ».

Les journées de Raphaël s’organisent différemment selon les périodes et la charge de travail, forcément. Si les quatre ont un bureau, chez Iconoclast, la société de production avec qui ils collaborent, ils ne s’y rendent pas si souvent. « Créativement, nous travaillons mieux en changeant régulièrement de lieu : nous nous retrouvons régulièrement dans des cafés, par exemple, et sommes plutôt libres dans notre emploi du temps lorsque nous en sommes à la phase de préparation d’un tournage ».

Tout change dès que la production commence. « Je suis alors beaucoup plus dépendant de rendez-vous réguliers avec les différentes personnes impliquées dans le film : chef opérateur, décorateurs, storyboarders… ». En publicité, par exemple, tout doit être validé par le client, « de la couleur de la moquette à la coupe de cheveux du mannequin », nous raconte Raphaël. Le clip, au contraire, est une forme plus souple. Le client, l’artiste, est généralement plus distant, laissant plus de liberté aux réalisateurs, même si certaines vidéos se révèlent en fait très proches de la publicité. « Plus l’artiste est gros, plus il aura son avis et son mot à dire sur certains éléments », raconte-t-il d’expérience.

Vélo

Réaliser des clips, forcément, amène à voyager très régulièrement. Lorsque le tournage se déroule en Europe, les allers-retours avec Paris, où il réside, sont fréquents. Si la destination est lointaine, l’organisation est différente, les allers-retours étant logiquement moins fréquents : « je pars alors généralement très en amont, une quinzaine de jours environ avant le tournage ». Certaines étapes se déroulent dans des pays précis : la post-production, par exemple, souvent dans les pays de l’Est de l’Europe, spécialisés en 3D.

Lorsqu’il voyage, Raphaël a quelques habitudes précises : « je fais des micro-nuits avant, pour bien dormir dans l’avion, et pense toujours à emmener mes adaptateurs pour les prises, un outil essentiel ». Il sait aussi, comme tout bon voyageur, s’adapter aux circonstances : « lorsque je rentre des États-Unis, je prends un comprimé de mélatonine, afin de rentrer plus en forme et de lutter contre le jetlag ». Et voyage léger : « peu importe la distance, je prépare des vêtements pour cinq ou six jours, avec un sac qui contient mon ordinateur et un appareil photo ». Le matériel ne voyage pas de Paris au lieu de tournage. « Mais nous revenons avec les films, ou les disques durs ».

L’usage du film est extrêmement rare, explique Raphaël. « Le clip que nous avons réalisé pour Rihanna a été fait en 35mm, mais c’est peu fréquent ; le numérique ou le 16mm, plus économiques, représentent une majeure partie du travail ». Si le 35mm est selon lui le meilleur outil, il est aussi un luxe qu’il est souvent difficile de se payer : « en comparant les prix lorsque l’on utilise du 35mm et du numérique, on s’aperçoit souvent qu’on peut tourner plus longtemps, ou avoir plus de figurants”.

Raphaël n’est pas toujours en voyage : parfois, il est à Paris. Avec un emploi du temps flexible, donc, qui lui laisse le temps de dormir le matin : « je me lève vers 9h, 10h parfois, j’ai de la chance ». S’ensuit un petit déjeuner à base de céréales bio et de lait d’amande, et une douche, toujours avec du savon biologique. Certains jours, il petit-déjeune avec les autres membres de Megaforce, pour le travail. « Je ne suis pas maniaque dans l’organisation de ma journée : je peux manger à n’importe quelle heure, juste parce que j’ai envie ». Ses journées, du coup, sont presque désorganisées : « on commence à travailler vers l’heure du déjeuner, pour finir vers 20h ». En préparation de tournage, période très intense, les heures ne se comptent plus : « on fait alors des 9h-23h sans problème ».

Vitamines

Pour tenir, l’homme utilise un carburant classique, le café. « J’ai une machine DeLonghi manuelle, et mouds mon propre café, souvent biologique ou commerce équitable ». Il se déplace fréquemment à pieds, sa principale activité sportive : « j'utilisais un vélo avant, mais il sert aujourd'hui surtout d'objet de décoration - la distance entre chez moi et le bureau est très courte, cinq minutes de marche environ, et j'apprécie beaucoup la marche ». Une autre habitude : les vitamines. Chez lui, on trouve vitamine B, C, D3, et autres pilules multivitaminées. « Je les prends par période, selon les saisons et mes besoins ».

Il n’utilise que peu les réseaux sociaux : « j’ai atteint une sorte de ras-le-bol, je consulte Instagram mais « like » très peu de choses ». Il n’a tout de même pas décidé d’arrêter Internet, puisqu’il s’y informe, principalement sur le site du Monde. « Je vais aussi souvent sur la page Yahoo Actualités : elle m’énerve énormément, mais j’y suis un peu dépendant car elle est facile d’accès ». L’homme n’a en fait aucun FOMO : « je suis même content, aujourd’hui, de rater une information ».

En terme de loisirs, l’homme est aussi passionné de musique, avec des goûts particulièrement éclectiques : chez lui, on trouve des synthétiseurs, des disques de krautrock et de musique psychédélique. « En ce moment, c’est ce que j’écoute : du psyché, de l’électro de la fin des années 70 - je fonctionne par phases, j’explore ».

Raphaël regarde aussi, forcément, beaucoup de films : « environ 4 ou 5 par semaine, pas toujours des productions récentes ». Parmi ses réalisateurs favoris, il cite par exemple David Cronenberg, Terry Gilliam, ou encore Akira Kurosawa. « C’est une question très difficile : quand on s’intéresse à des réalisateurs, on a toujours des choses que l’on aime ou que l’on aime pas ». A fortiori, sans doute, lorsque l’on est dans le métier. La déformation professionnelle.

Photos : Otto Seubu

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