Dans la routine de Pierre-Emmanuel Racine Dans la routine de Pierre-Emmanuel Racine

Dans la routine de Pierre-Emmanuel Racine

Entretiens

Photos Louis Canadas

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Le co-fondateur de Maison Sassy nous parle Normandie, tournée des bars et Alain Ducasse.

Pierre-Emmanuel Racine, 30 ans, est le co-fondateur de Maison Sassy. La mission qui anime son associé et lui, par ailleurs amis d’enfance? “Redorer le blason d’un produit qui en avait bien besoin”, le cidre. Loin de la bolée servie à la Chandeleur avec les crêpes, leur cidre s’est fait une place sur les tables de chefs aussi renommés qu’Alain Ducasse.

Paris n’est pas une terre où la pomme pousse facilement, c’est évident. C’est pourtant là-bas, dans le 9ème arrondissement, que Pierre-Emmanuel nous a ouvert la porte de chez lui. Entrevue avec un homme qui a trouvé, dans la capitale, un moyen de mettre en avant le terroir de sa région natale, la Normandie.

Sassy, ça existe depuis combien de temps ?

Commercialement, depuis 3 ans. Avant ça, on a passé 1 an et demi à travailler dessus, à perfectionner le produit, car on partait de loin : nous n’avions pas de formation en cidriculture, même si nous étions tous deux passionnés par le cidre.

Comment s’est déroulée cette première phase de développement ?

Quand on a commencé à produire, on a fait pas mal de séances de dégustation avec des amis, mais nos produits étaient plutôt mauvais, mal notés. On a donc dû perfectionner main dans la main avec notre artisan notre produit, jusqu’à passer premiers de nos test à l’aveugle. C’est à ce moment-là que l’on s’est dit que l’on était prêts.

Pourquoi s’être lancés dans le cidre ?

Sassy, c’est d’abord une vraie histoire d’amitié. Je suis associé avec mon meilleur ami, on se connaît depuis le collège, en Normandie, et on a toujours voulu faire quelque chose ensemble. À la fin de nos études, nous sommes allés travailler chacun de notre côté, moi en banque d’investissement et en banque commerciale, toujours avec cette idée dans un coin de la tête. Nous étions frustrés de ne pas trouver un cidre comme ceux qu’on avait appris à aimer dans notre région. Le cidre, on adore ça, mais on trouvait que c’était un produit dont le potentiel était sous-exploité, ne serait-ce que d’un point de vue marketing. Surtout, ça nous donnait une excuse pour retourner plus souvent en Normandie !

Aujourd’hui, comment se répartissent les tâches entre vous ?

Mon associé est parti développer le marché à Londres. Le marché anglais est très important pour nous, car ils consomment beaucoup de cidre et que les gros acteurs là-bas ne font pas forcément un produit de qualité. De mon côté, je suis resté à Paris, et je gère la France, mais aussi les relations avec le Canada, l’Allemagne. Nous sommes aujourd’hui vendus dans 14 pays, et nous avons un effectif de 9 personnes : 6 en France, et 3 à Londres.

Tu me parlais plus tôt de développer le produit main dans la main avec votre artisan, vous ne produisez pas vous-mêmes ?

Non, car au début la production représentait des investissements trop importants pour nous. Une cuve, par exemple, c’était hors de prix pour une société toute neuve comme la nôtre. Nous avons donc trouvé un artisan bien équipé, qui produit pour nous et avec qui nous développons nos recettes. Cela dit, l’un de nos objectifs à court terme est d’internaliser la production au château de Sassy.

Ce système de fonctionnement, j’imagine, nécessite beaucoup d’aller-retours entre Paris, où tu vis, et la Normandie.

J’y vais souvent, effectivement, mais cela ne me dérange pas. J’ai besoin de cette coupure. Paris est une ville qui m’éclate, mais j’aime bien prendre une vraie bouffée d’air frais - quelque chose que je ne peux faire que là-bas. Je joins l’utile à l’agréable.

Autrement, tu voyages beaucoup ?

Je me déplace pas mal dans le cadre de nos activités à l’export. J’étais récemment à Hong Kong, j’ai aussi été à Taiwan… Notre marché en Asie se développe, et il est important d’aller à la rencontre des distributeurs locaux.

Votre objectif, tu me disais, est de dépoussiérer l’image du cidre. Comment vous y prenez-vous ?

Il y a différents leviers. Le côté “gastronomie” en est un : l’intérêt de chefs comme Ducasse ou Alexandre Gauthier, ça permet d’attirer les regards sur le produit. Ensuite, nous réalisons des collaborations avec des artistes comme Jean Jullien, Tiffany Cooper ou Inès Longevial, et avec des marques comme Colette, sur des éditions limitées, ce qui nous ouvre d’autres portes.

Comment parvenez-vous à tirer votre épingle du jeu, face à la concurrence ?

Notre produit est différent, tout simplement. La concurrence, notamment les "ciders" qui sont très populaire en Angleterre et que j’évoquais plus tôt, sont de moins bonne qualité, faits à base de concentrés de pommes. Aujourd’hui, si on nous trouve chez Selfridge’s, ou The Night Jar, l’un des meilleurs bars à cocktails du monde, c’est parce que notre cidre est différent, et meilleur, tout simplement.

On peut trouver du cidre Sassy chez des chefs étoilés comme Alain Ducasse. Comment cette connexion s’est-elle faite ?

Comme je te le disais, nous avons passé beaucoup de temps à développer le produit. C’est un cidre dont nous sommes fiers, et que nous avons très vite eu envie de présenter aux chefs. Les connexions se font par chance, au hasard d’une rencontre, parfois au culot. On leur fait goûter le produit, on voit ce qu’ils en pensent. Le cidre, c’est un produit peu connu mais il intéresse les chefs, car leurs clients cherchent une vraie expérience. Les accords mets - cidre, c'est ça : un poiré, avec son acidité, sur une huître iodée, par exemple, c’est surprenant mais exceptionnel.

Comment s’organisent tes journées de travail ?

Mon rôle, et celui de Xavier mon associé, change un peu tous les jours. On pousse des idées, on fait des points hebdomadaires avec la production, avec l’administratif. On s’occupe beaucoup de la dimension commerciale, aussi. Mes journées, c’est beaucoup de réunions. Je ne suis pas forcément un lève-tôt. Les journées commencent vers 9h30, et finissent plutôt tard, car il y a une clientèle qu’il faut aller voir. Parfois, ça ressemble à une tournée des bars !

Quelle est ton astuce pour tenir face à ces tournées des bars ?

Heureusement, nous vendons un produit qui se boit facilement, peu alcoolisé (rires) ! Un poiré, c’est 2,5% d’alcool, soit très peu. J’ai une consommation assez responsable, même si je teste beaucoup de produits de jeunes marques françaises qui ont le même état d’esprit que nous, la même démarche. J’aime beaucoup le gin, par exemple, comme celui d’Audemus, et les boissons Umà, sans alcool celles-ci.

Les dégustations répétées, ça ne se ressent pas sur ta ligne ?

Heureusement, le cidre est un produit peu calorique. Je cours un peu, même si je me suis récemment blessé au pied. Je me suis inscrit à la salle de sport aussi, même si je n’y ai pas encore mis les pieds !

As-tu d’autres habitudes de soin ?

Récemment, j’ai fait un diagnostic de peau dans la clinique qu’un ami vient de monter, Cible. On m’a dit que j’avais une belle peau, donc je suis content. Je fais plutôt attention, sans doute car j’ai atteint la barre des 30 ans. J’utilise des gouttes et un sérum conseillés là-bas, pour garder bonne mine et la crème hydratante Horace ou celle de ma copine, que j’applique le soir. Je fais aussi attention à mes cheveux. Ils sont assez épais, j’ai tendance à mettre de l’après-shampoing pour les discipliner. J’aime bien changer de parfum selon mon humeur, aussi : je mets soit Allure de Chanel, soit le Musk de Kiehl’s, soit Gentlemen Only de Givenchy.

Tu n’as pas trop de mal à déconnecter du travail ? C’est parfois difficile, lorsque l’on mène sa propre entreprise.

Pas vraiment, j’avoue. Mais Sassy, c’est ma passion, donc c’est toujours encourageant de voir des retours. Je reçois des mails un peu tout le temps, mais il m’arrive de ne pas les consulter pendant toute une soirée. Je suis beaucoup notre activité sur les réseaux sociaux : je poste parfois des photos sur Instagram moi-même, car j’aime beaucoup ça.

Comment vois-tu le futur de Sassy ?

Notre objectif premier est d’agrandir la gamme, mais aussi d’internaliser la production. Notre champ de distribution s’agrandit également, puisque nous travaillons avec le groupe Accor, avec Monoprix. Nous allons collaborer avec d’autres marques, aussi, pour faire connaître le cidre et ne plus entendre que c’est un produit ringard !

Photos : Louis Canadas

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