Dans la routine de Nicolas Dureau Dans la routine de Nicolas Dureau

Dans la routine de Nicolas Dureau

Entretiens

Photos Victoria Paterno

Texte Anthony Vincent

Partager l'article sur

Le directeur mode de Modzik parle stylisme de célébrités, arrêt de la cigarette, et complexes masculins.

Le quasi-trentenaire nous ouvre les portes de son appartement débordant de baskets et de vêtements dans le XXe arrondissement de Paris. Avec une timidité confondante et une canette de coca, Nicolas Dureau parle de sa carrière de styliste, de l’arrêt de la cigarette et de l’image du corps des hommes dans les médias.

Que fais-tu dans la vie ?

Je suis styliste freelance pour des artistes. Je travaille beaucoup avec des labels qui me demandent de m'occuper des tenues de leurs talents, comme Anggun, Celine Dion, Jane Birkin, diplo ou Shy'm, pour leur promo, les photos et vidéos de leurs albums, des concerts. Je m'occupe aussi de la production et de la direction artistique de shootings et de vidéos pour le magazine de mode et de musique Modzik. J’y habille d’autres artistes comme Troye Sivan, Rejjie Snow, Dua Lipa, SZA, ou encore Years & Years.

Te retrouver face à des artistes que tu admires t’intimide-t-il ?

C’est vrai que je suis assez timide en général, je n'aime pas me mettre en avant. Mais en shooting, je deviens un peu une personne différente, et m'affirme naturellement. La plupart des artistes ne savent pas trop où ils veulent aller en terme de style. Ils gagnent à être entourés de personnes sûres d’elles avec une vision. Si tu montres à un artiste que tu es timide, il t'écoutera moins que si tu lui présentes tes idées avec conviction.

Tu as toujours voulu travailler dans la mode ?

Au départ, j'ai fait des études de cinéma, puis de photos car je voulais travailler là-dedans. Enfant, je rêvais d’être réalisateur de clips de musique. C'est en faisant des stages dans des studios photos que j'ai découvert le métier de styliste photo. J'ai donc intégré l'atelier Chardon Savard, une école de mode parisienne, puis j’ai assisté pendant presque trois ans Laurent Dombrowicz, qui m’a tout appris et donné de bonnes bases pour faire ce métier. Mon dernier stage a été chez Modzik où je suis arrivé au bon moment puisqu'ils ont pu m'embaucher dans la foulée. Maintenant, j'en suis le directeur mode. J'ai une approche assez cinématographique dans mes éditos, aujourd'hui. Mes études de cinéma et de photos sont un vrai plus pour les questions de cadrage, de lumière, de mise en scène, et de références culturelles.

La mode te passionne-t-elle ?

Je ne me considère pas comme un fan de mode, je ne suis pas très looké par exemple, j’ai un style assez simple. J’aime faire attention aux autres, les mettre en valeur. J'adore utiliser la mode pour créer des images, raconter des histoires, mais je ne suis pas fan de mode en tant que telle. Je suis quand même l'actu, en me rendant aux défilés de Fashion Week, mais aussi les défilés d'étudiants encore en école de mode. J’aime beaucoup découvrir des nouveau talents dont on pourra parler ensuite dans Modzik.

Quelle est la différence majeure entre le stylisme de promo “pure” et celui pour des éditos mode ?

C'est beaucoup plus facile et stimulant d'habiller des artistes pour Modzik que des chanteurs dits "populaires" en France. D’une part, parce que les personnalités françaises ont une idée précise du look qu'ils veulent et que je dois donc respecter. Pour la promo, les maisons de disques ont tendance à pousser les artistes à se cantonner à un look précis : comme Jain et ses robes noir et blanc, ou Christine and the Queens et ses costumes masculins, donc c’est assez limité. D’autre part, les marques prêtent plus facilement des vêtements pour des éditos Modzik. En Angleterre, Saint Laurent habillait le boys band One Direction pour sa promo sans aucun problème, tandis qu'en France Kendji Girac doit lui-même s'acheter du Saint Laurent. La France entretient un rapport particulier avec ses artistes populaires…

Quelle est ta routine matinale ?

Je n'ai pas d'emploi du temps type mais généralement, je me lève vers 7h, ce qui me permet de prendre du temps pour moi avant d'aller au bureau. Je checke mes mails, mes réseaux, les actus du secteur, et s'il le faut je peux même écrire un article dans la foulée. Cela dure entre trente minutes et une heure. Après je vais courir 45 minutes à jeun. Je rentre manger du muesli avec du fromage blanc tout en répondant à quelques mails, et après je me douche. Je me lave le visage avec le nettoyant, et le corps avec le gel douche à la fleur d'oranger ou menthe poivrée. Je me shampouine tous les jours avec du Head and Shoulders basique car mes cheveux très fins graissent facilement. Je prends mon temps pour m'habiller le temps que mon corps refroidisse après la course pour éviter de transpirer dans mes vêtements. Après je mets la crème Nivea Soft sur mon visage : elle ne coûte rien et fait parfaitement le job sur moi. Mais je ne l'utilise pas tous les jours pour éviter que ma peau ne s'y habitue comme j'avais pu le lire un jour dans un article, du coup je varie avec d'autres crèmes que je reçois au bureau, ou avec l’hydratant matifiant Horace.

Tu transpires facilement ?

Oui, car je fais beaucoup de sport, entre la course et tous mes déplacements en vélo dans la journée, sans compter le stress des shootings et la chaleur des éclairages de studio photo. Alors j'ai toujours un déo sur moi et un tee-shirt de rechange au cas où. Quand je vais en soirée, j'emporte avec moi du papier matifiant pour empêcher ma peau de briller.

Tu fais beaucoup de soirées ?

Oui, environ 3 fois par semaine. Je mixe même souvent avec mes deux meilleurs amis puisqu'on a un crew qui s'appelle "La Vérité". Le concept, c'est qu'on passe la musique que les gens écoutent vraiment dans leur chambre, leur vérité à eux. En passant du Eve Angeli au Maxim's, on questionne les barrières entre la culture populaire et le chic ou le pointu. C’est une sorte de transgression que j’adore : quand je vois la créatrice de chaussures Amélie Pichard qui prend Nabilla comme égérie par exemple, je trouve génial ce mélange du kitsch et du pointu.

Tu as récemment arrêté de fumer du tabac, il me semble ?

Je fumais beaucoup depuis mes 17 ans, mais depuis novembre 2017 j'ai réussi à arrêter. J'avais reçu les cure-dents Horace, et à force de les voir traîner sur mon bureau, je me suis mis à les mâchonner machinalement. Petit à petit, ce geste a remplacé le réflexe de la cigarette. Ça occupe la bouche sans calorie et ça donne une super haleine, donc j'en rachète souvent.

Trouves-tu qu'on assiste à plus de diversité dans l'industrie de la mode aujourd'hui ?

Ça commence, surtout du côté des femmes. La campagne body positive d'Horace m'a fait beaucoup de bien car c'est hyper rare de voir des corps d'homme normaux mis en valeur. Je l'ai aussitôt partagée à plein de gens autour de moi, et j'ai voulu qu'on en fasse un article sur le site de Modzik. Les mecs hyper gaulés qui posent pour des marques de sous-vêtements doivent représenter même pas 2% de la population, par exemple, et pourtant on ne voit que ce type de profils nous "représenter" dans les médias. Avant mes 17 ans, j'étais obèse et j'ai atteint les 100 kg. C'est là que j'ai consulté une diététicienne et commencé à perdre des kilos, jusqu'à atteindre mon poids actuel, mais je suis encore complexé. J'ai énormément de vergetures notamment, et j'ai horreur de me déshabiller à la plage ou dans l'intimité. J'ai souvent l'impression d'être le seul dans ce cas là mais au fond je pense plutôt que les hommes n'osent tout simplement pas parler de leurs complexes physiques.

Les produits de Nicolas Dureau