Dans la routine de Lionel Dans la routine de Lionel

Dans la routine de Lionel

Entretiens

Photos Otto Seubu

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Portrait de Lionel, directeur des affaires publiques d'une start-up française.

Arrivés en avance chez Lionel, 34 ans, dans le 17ème arrondissement de Paris, nous patientons sagement en bas jusqu’à l’heure de rendez-vous convenue lorsque nous sommes appelés, depuis un balcon, à monter. Son appartement est lumineux, en étage élevé. Nous filons directement dans la cuisine. « Je peux vous proposer du thé, car je n’ai pas de café à la maison ; j’estime que boire un café ne vaut le coup que s’il est vraiment bon, et c’est toujours meilleur dehors », explique-t-il en mettant à bouillir de l’eau chaude. Ce sera du thé, donc.

Nous prenons place dans le salon, où Lionel, installé dans sa chaise réservée, un fauteuil à bascule en bois, s’apprête à nous raconter ce qui fait sa vie. « Je représente les intérêts de mes clients, principalement des grandes sociétés, auprès des autorités publiques », nous raconte Lionel.

Décoration

Son métier et son parcours

En un mot, il est lobbyiste. Spécialisé dans ce qu’il appelle le "particulièrement sensible". Les rappels de produits en cas d’intoxications alimentaires, les réglementations sur l’alcool, le tabac, mais aussi les fusions et acquisitions. « On m’appelle quand ça sent mauvais, généralement ! », s’amuse-t-il. Ce jour-là, il savoure l’un de ses derniers jours de vacances. Quelques jours après notre rencontre, il rejoindra une start-up française de premier plan, dont il représentera là encore les intérêts. « Je les accompagnerai dans la croissance du service en France et à l'international, et ferai partie d’une équipe qui anticipera les réglementations dans l’économie de partage dans laquelle la société s’inscrit. Je quitte le particulièrement sensible et le conseil pour découvrir un nouveau monde », explique-t-il avec excitation.

Pour arriver à ce métier, Lionel a suivi un parcours relativement classique. Une classe préparatoire littéraire, suivie d’une maîtrise d’histoire à Paris IV, et un mémoire sur la stratégie militaire et la simulation de guerre, des échecs aux « war games » récents. À cette occasion, il rencontre des gens qui avaient fait de l'influence, dont son mentor, avec qui il travaillera dix ans.

Un uniforme pas si conforme

« Mon métier, c’est d’être au contact de grands patrons », raconte Lionel. Un contact qui impose une certaine mise. « Ce métier, ou la norme sociale dans laquelle j’évolue, impose en principe que je porte le costume - cravate, mais j’essaye de m’en échapper. J’estime que lorsque je suis à l’aise dans mes vêtements et dans mon corps, je suis plus à même de conseiller les gens que si je suis engoncé dans un costume ». Par conséquent, Lionel tente de jongler entre cette norme et son style personnel. « Je vais plutôt porter une veste, une chemise, un chino, des souliers, mais rarement le complet ».

La barbe, qu’il n’abandonne plus, est un accessoire qu’il a mis du temps à faire accepter. « Dès que je me suis aperçu qu’elle me vieillissait, je l’ai adoptée car je ne voulais pas paraître trop jeune par rapport aux dirigeants que je conseillais », raconte-t-il, se souvenant même avoir porté un bouc dans les années 90. « Je me souviens qu’une fois, en stage, mon mentor m’a renvoyé chez moi car j’étais mal rasé ». C’était avant que la barbe ne soit communément acceptée dans les bureaux, en 2003, 2004. Aujourd’hui, si l’on ne demande plus à Lionel d’aller se raser, il la taille tout de même chaque jour : « je la garde propre, c’est forcément mieux ».

Produits

Une routine bien ficelée

Cette taille de la barbe, Lionel la fait chaque matin, ayant toujours un petit détail à corriger. Sinon, sa routine matinale est articulée autour de quelqu’un en particulier : son fils de 4 ans. Lionel se lève à 7h, le réveille, l’habille. « Ensuite, nous jouons un peu, puis je prépare son petit déjeuner ; ce n’est qu’après, lorsque je le laisse jouer un peu seul, que je me prépare ». Avec un timing serré : il faut absolument être à l’école pour 8h25. « Sous peine de se faire remonter les bretelles par la maîtresse », souffle-t-il.

« Je cherche à aller au plus efficace, au plus simple ». Tout commence par une douche froide, une habitude qu’il a pris depuis deux ans et sur laquelle nous nous sommes déjà penchés. Sous celle-ci, il utilise le shampoing Baxter of California. Ensuite, un peu de crème nourrissante pour le visage, de la marque Ren Skincare, un coup de ciseaux sur la barbe, un coup de peigne dans les cheveux, puis Lionel s’attaque à ses dents. « Je me brosse les dents avec la brosse Horace, ergonomique, minimaliste, vraiment réussie, et du Marvis blanchissant". Ensuite, un peu de bain de bouche, du Botot à la valeur sentimentale particulière. « Lorsque ma femme et moi nous sommes rencontrés, elle utilisait déjà ce bain de bouche, il me rappelle donc des souvenirs », se rappelle-t-il. Après cette minute nostalgique, l’homme est prêt. Ou presque.

Particulièrement friand des parfums, il en utilise plusieurs, selon son humeur. Le Bois d’Argent de Dior, par exemple, ou un Vétiver Extraordinaire de Frédéric Malle, voire le Poivre Samarcande d’Hermès. « Ce sont mes favoris. »

Une fois son fils déposé à l’école, Lionel monte sur sa moto, une Honda CB750. Avec sa femme, souvent, qu’il emmène petit-déjeuner. « Comme nous voyageons tous les deux beaucoup pour le travail, nous avons trouvé ce moment pour passer du temps à deux et discuter ». Ce rituel prend place soit chez eux, soit chez Télescope, un café du 1er arrondissement de Paris. « Nous commençons à y avoir nos habitudes et des compagnons de petit-déjeuner ». Il dépose ensuite sa femme au bureau, puis se rend à son tour au travail. Avec les cheveux moins impeccables qu’après le premier coup de peigne matinal, forcément : « après le casque, tu es toujours mal coiffé ; il faut parfois faire sa "coquette" et se recoiffer maladroitement dans le rétroviseur, avec les doigts ». L’homme a essayé, quelques temps durant, de transporter un peigne. Une habitude abandonnée. « J’avais l’impression de ressembler à Fonzy ». Embêtant.

Moto

De longues journées

À 9h30, Lionel arrive au bureau, même si cette notion, pour lui, est assez floue. « Je travaille tout le temps, ne déconnecte que très peu ; je peux me déplacer pour aller rencontrer un parlementaire à l’Assemblée, ou déjeuner avec un journaliste - c’est la réalité de notre métier ». La seule règle, commune à lui et sa femme, est qu’aucun appareil électronique n’est accepté dans les chambres. "C'est aussi une hygiène de vie, il faut apprendre à déconnecter et à se retrouver. C'est comme la douche froide : ce n'est pas facile, mais ça fait vraiment du bien".

De l’importance des loisirs et de la détente

Tout n’est pourtant pas que travail pour Lionel. Outre la moto, il est passionné de montres depuis tout petit. « J’accompagnais mon père jouer au loto, il avait gagné une petite somme et a acheté une montre Camel que j’ai depuis ». Le virus était attrapé. Avec sa première prime de travail, il s’est par exemple offert une Tudor Submariner, qu’il n’a plus depuis. Il contribue d'ailleurs à un site qui parle de montres, Les Rhabilleurs, où il écrit sur la question. « J’aime aussi beaucoup les couteaux, même si je les transporte rarement pour des raisons évidentes. On s’en offre souvent avec mon père, parfois gravés.”

Sinon, l’homme a d’autres loisirs. « J’aime beaucoup les cigares et fumer la pipe ». Les week-ends sont dédiés au temps passé avec son fils. « Nous faisons du vélo, sortons au parc, jouons au Playmobils ». Avec des rôles bien définis : « je joue toujours le voleur, et lui le policier - il doit se venger des moments où je hausse la voix ! », s’amuse Lionel. « J’ai aussi beaucoup pratiqué les sports de combat, du karaté au Viet Vo Dao, jusqu’à la boxe aujourd’hui ». À la pause déjeuner ou le soir, il pratique la boxe anglaise au Temple Noble Art, dans le quartier d’Opéra, avec un ami.

Montres

Un homme de papier

Contrairement à la plupart de ses contemporains, l’auteur de ces lignes compris, Lionel préfère éviter d’utiliser le smartphone comme outil de loisir. « Je suis de plus en plus agacé par le fait de passer du temps sur mon téléphone, donc j’évite au maximum les applications récréatives». À ce titre, il ne lit pas du tout sur cet outil. « Je sais comment fonctionne l’architecture d’un journal, et j’ai donc pris l’habitude de choisir des pages dans tous les journaux qui sont présents au bureau en fonction de ce que je veux lire, plutôt que de me voir imposer des infos par une application ; je suis très attaché à la presse papier ». Une bonne habitude.

« J’aime aussi beaucoup passer du temps à Drouot, où j’achète des montres, mais aussi des sérigraphies », explique Lionel, donc l’appartement est plein d’objets en tout genre, des photos de corrida aux livres rares sur les gangs de motards japonais. « J’achète beaucoup de livres grâce à Idea Books, un très bon site internet, ils trouvent tout ce que tu peux rechercher ». Des livres qu’il lira dans sa chaise personnelle, en fumant le cigare, sans doute.

Un peu de détente méritée, après avoir cumulé plusieurs casquettes : d’un côté, celle de défenseur des intérêts de ses clients dans des situations parfois difficiles ; de l’autre, celle de voleur dans des parties de playmobils acharnées. Le tout en restant élégant. Quelle prouesse.

Une sérigraphie signée de John Kacere, trouvée chez Drouot en début d'année pour une bouchée de pain

Kacere Un dessin original d'une amie illustratrice, Delphine Cauly / Eté1981 Illustration Casque Cigares Cuisine

Photos : Otto Seubu

Les produits de la routine matinale de Lionel