Dans la routine de Lazare Hoche Dans la routine de Lazare Hoche

Dans la routine de Lazare Hoche

Entretiens

Photos Yves Mourtada

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Le DJ et producteur parle aloe vera, trousse à pharmacie et boxe anglaise.

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Quand on imagine la vie de DJ, on pense souvent à une longue suite de fêtes, de beuveries et de substances récréatives en tout genre. Lazare Hoche, confortablement installé dans son salon parisien qui révèle un goût certain pour le design, nous a prouvé le contraire - hormis, sans doute, pour la partie fête. Autour d’une petite bouteille d’eau chacun, il nous a parlé aloe vera, trousse à pharmacie et créativité.

Peux-tu te présenter ?

Pour faire très concis, je m’appelle Charlie, j’ai 29 ans et je vis à Paris. Je suis principalement producteur de musique et DJ sous le nom Lazare Hoche.

Pourquoi Lazare Hoche ?

Rien de plus simple, C’est le nom de la rue où j’ai grandi à Boulogne-Billancourt ! Au moment où je sortais mon premier disque en 2012, il me fallait un nom. Je passais mon temps à dire “Lazare Hoche”, le nom m’est venu comme un gimmick, inlassable. J’ai donc choisi cette bannière là pour représenter ce projet, elle ne m’a plus jamais quitté depuis. Cette rue a bien sûr été nommée pour honorer le Général français de la révolution: Louis Lazare Hoche, que je ne parente curieusement pas.

Comment es-tu venu à ce métier ?

En 2012, j’ai eu la chance de faire mon premier disque, un peu par hasard d’ailleurs. J’étais candidement passionné de musique électronique et produire mon propre disque était un fantasme. L’EP s’est, soudainement, très bien vendu. À l’époque, j’étais étudiant à l’école des arts et métiers, en Urbanisme et Aménagement du Territoire. La musique était une passion au simple stade de hobby et mes productions ont eu, à ma vaste surprise, une belle résonance. Je me suis donc vite imposé de battre le fer tant qu’il était chaud, mon bon sens m’a fait franchir le pas, après 2 ans où j’ai mené en parallèle mes études et ça. Depuis, c’est un crescendo permanent, et je vis dans cette espèce de capsule de voyage, de musique ambiante ou rapide, d’art et de passions. C’est une vraie bénédiction.

Tu as douté de ton choix, au début ?

Bien sûr. Je me suis posé beaucoup de questions. Notamment l'épineux sujet de l’horloge biologique d’un DJ, tout un programme... À un moment donné, j’ai eu le choix entre une tournée japonaise et aller en partiels aux arts et métiers. J’ai, de toute évidence, choisi le Japon. Je suis très chanceux car j’ai eu une bonne réception quasi immédiate, ce qui n’est pas le cas de tous les artistes. J’avais une démarche assez radicale, je n’avais pas grand chose à perdre. Je suis fou de vinyl, ce support m’obsède toujours. Pendant des années; je sortais mes productions uniquement sur vinyl, c’était très cavalier en 2012. Tous les disquaires de Paris étaient en train de fermer et le numérique envahissait le DJisme. La reconnaissance rapide de ma première sortie a eu un bel avantage; j’ai pu tout de suite accéder aux travaux pratiques : voyager et performer. Je prends le côté performance au sérieux, en tout cas, c’est une sorte d'exercice de précision permanent.

C’est quoi, une journée type, pour toi ?

Je passe plus d’un tiers de la semaine en voyage. J’ai la chance d’avoir rarement deux fois la même journée. Les journées s’articulent autour de ces déplacements, notamment d’une logistique infernale de lessive et de constitution de valise ! Je travaille souvent de nuit, même l’administratif je le fais de nuit, c’est mon côté Michel Field. Ce n’est donc jamais standard, et jamais redondant, ce qui est très plaisant ! Je suis toujours dans une sorte d’excursion. Selon les destinations, j’ai des activités différentes : dans certains endroits, je fais attention à l’architecture, et dans d’autres à l’humain. Le Japon et l’Italie m’inspirent profondément. Je cherche aussi beaucoup de disques, évidemment, le Japon est une mine d’or pour ça d’ailleurs. Et pour parler de rythme de vie, c’est très simple, ce job a un fil conducteur implacable : se coucher tard, se lever pas trop tôt.

C’est à dire ?

J’ai très souvent vu l’aiguille des heures dépasser les 3 heures du matin sur mon cadran, cela depuis que j’ai 13 ans environ. J’adore la nuit en semaine, ce calme inimitable. Surtout dans une ville hurlante comme Paris en journée. Tu n’as pas un bruit, tu te recentres. Tu peux te concentrer. C’est mon moment préféré. Je me lève vers 11:30. Je ne suis pas un héros.

Comment gères-tu ces voyages fréquents ?

C’est exactement comme un championnat, sans les dix coéquipiers et sans entraîneur sur le terrain, c’est d’une exigence sur le corps quasi militaire. Comme tout sportif, il faut observer une certaine discipline. Tu ne peux pas te permettre de rater un avion, une correspondance. Les gens t’attendent, comptent sur toi, les préventes ont été vendues, tu ne peux pas te rater… Il faut être là. Un voyage pour mixer, c’est souvent 48 heures de transit pour 2 heures de set. Tu fais aéroport, hôtel, restaurant, club, hôtel, aéroport. Tu es souvent seul, ce qui est assez contrastant avec le bain de foule que tu expérimentes quand tu joues en club, même si de nos jours, tes potes sont dans ton téléphone. Je dois vous avouer qu’avec le temps je ne déteste plus du tout ces zones de transfert, d’aéroport et d'hôtel de grande ville pour “executives” très impersonnels, elles sont même devenues plutôt inspirantes, elles sont ce que tu en fais. Une fois que tu as oublié la fatigue, tu navigues, c’est un peu brumeux ; ca me fait penser à Edward Norton au début de Fight Club.

Justement, comment tu gères les soirées ?

Je suis sain dans mon corps. Je bois très peu d’alcool. Sur un set, je dois boire une bière, maximum. Je ne prends pas de drogues. Certains DJ le font, ça les regarde, ils ont leur libre arbitre mais moi ça ne m’intéresse pas. J’arrive à lâcher prise sans ça, donc je profite. Après, je fais des siestes quand je peux, c’est toujours une question de gestion. J’ai des boule quiès tout le temps avec moi, primordial, je débranche les téléphones fixe quand j’arrive dans ma chambre d'hôtel, habitude de vieux routier. La douche aide beaucoup pour se stimuler une heure avant la scène, cheveux compris, évidemment. Avant de jouer, je dîne souvent un poisson et du riz blanc, plat du pied, sécurité.

En voyage, tu prends tes produits avec toi ?

Je ne prends malheureusement pas de parfum. Comme je n’enregistre jamais de bagage pour gagner du temps, je suis souvent sans produits liquide à part le déodorant et du baume du tigre. Je fais rentrer 15 jours de voyage dans une valise cabine ! Par contre je ne lésine pas sur la trousse à pharmacie, c’est mon côté Beyrouthin. J’ai la plus grosse trousse à pharmacie du monde en voyage. Les gens sont souvent surpris de me voir avec une trousse aussi conséquente. Quelques heures après, ce sont souvent les mêmes qui viennent me voir, tout penauds, pour un Strepsil ou un Nurofen !

Lorsque tu es à Paris, tu prends soin de toi comment ?

Je bois beaucoup d’eau. J’ai plein de bouteilles d’eau chez moi. Sinon, je suis un énorme fan d’aloe vera. J’en teste tout le temps, j’en ramène de mes voyages, en gel, en crème... Je mets de la crème hydratante aussi, les jours où je ne mets pas d’aloe vera ! J’ai beaucoup trop pris le soleil et j’ai quelques cicatrices bénignes sur la peau, et l’aloe vera aide à s’en débarrasser. J’aime beaucoup l’huile essentielle de rose musquée aussi. C’est super sur les cicatrices d’ailleurs. Après j’ai pas mal de choses à la maison, du Buly, des choses naturelles, moins naturelles, un sérum pour les taches brunes, par exemple. J’aime bien l’odeur du gel douche menthe poivrée et d'arbre à thé Horace, aussi. J’adore l’arbre à thé ; c’est une odeur qui évoque chez moi quelque chose qui me parle beaucoup. Mon savon pour les mains, puisque tu me le demandes, c’est le savon exfoliant Aesop. Qui trône d’ailleurs dans mon restaurant fétiche, Kunitoraya, rue Villedo.

Tu accordes un soin particulier à tes cheveux ?

Rien d’ahurissant, je ne mets juste pas n’importe quoi dessus, je dois faire attention à bien équilibrer le pH pour éviter les pellicules. Miracle ! J’ai trouvé un shampoing qui marche sur moi : c’est le Sensor de Revlon. Je le dois à un coiffeur du Sentier à Paris, un Laotien, admirable, qui a insisté pour me le faire essayer avant de le me le vendre. J’étais autant sceptique que partant, donc j’y suis allé, et le shampoing a marché directement. Sauf que depuis, ce shampoing est devenu rare et les coiffeurs de mon quartier ne le vendent plus, je suis obligé de le commander en certaine quantité sur internet. Les coiffeurs et moi c’est je t’aime moi non plus, j’y vais peu : je fais très court, puis je laisse pousser trop long et ainsi de suite. Je ne tiens pas une coupe, je suis comme les gosses qui ont vraiment des têtes de “sortie de coiffeur”. Quand ils se font couper les cheveux, toute la classe le remarque. Je ne déteste pas la sensation d’élaguer, de me rafraîchir. Je me fais coiffer à Paris principalement, j’ai pas encore tenté le coiffeur de Bucarest, mais quand je vais couper aussi à Beyrouth ou à Tokyo, j’ai mes propres plans coiffeurs là-bas.

Tu trouves le temps de faire du sport entre tes voyages ?

Quand je suis à Paris, je boxe 3 à 4 fois par semaine au Temple Noble Art. Je fais aussi 1 heure de yoga tous les lundis, là-bas. C’est important, quand t’as un week-end dans les jambes, de s’étirer ! J’ai ma routine quotidienne de pompes évidemment, même en tournée, comme Gwen Stefani. C’est important, ça ne coûte rien et ça fait la différence direct.

Tu me parlais d’ambitions. Quelles sont-elles, justement ?

J’ai envie de prendre mon spectre et de le confronter à des idées différentes, plus précises, sortir de ma zone de confort car je suis convaincu que c’est là où la providence est. Je veux apprendre et me passionner encore inlassablement. Je ne vais pas changer ce que je suis pour avoir plus de succès. L’évolution et le changement sont des choses très différentes. Tu peux évoluer sans vraiment changer, et vice versa. Je me vois toujours bosser avec d’autres artistes, bien sûr j’adore les collabs mais il faut naturellement que je “vibe” préalablement avec, sinon rien ne marche. Certaines rencontres marchent, d’autres ne marchent pas, c’est comme en amour, on ne peut pas plaire à tout le monde. Il faut prendre parti, se mouiller, pour être vivant, essayer de trop plaire à tout le monde c’est souvent ne plaire à personne. Je prends un sujet et je le bosse, je le laboure, jusqu'à au stade ou je possède la chose. Ça demande du travail effectif, c’est un mot qui est limite péché aujourd’hui dans une génération où déjeuner avec une connaissance s’assimile à un rendez vous de travail.

Tu te vois continuer comme DJ ?

Les DJ qui ont de la longévité sont rares. Prends Ricardo Villalobos, Laurent Garnier, DJ Harvey, Sven Vath ou Carl Cox : ils sont eux-mêmes, leur attitude est la même après toutes ces années, c’est ce qu’ils sont. Ils explorent bien des choses différentes musicalement mais ils font toujours rêver, ils sont honnêtes avec eux-mêmes, sinon ça ferait longtemps qu’ils auraient arrêté. Quand tu les bookes, tu sais ce que tu vas te prendre. C’est ça qui m’intéresse. Je ne peux pas faire de musique cyniquement, ou faire semblant d’aimer un truc. Je ne veux faire que des choses qui me plaisent. Après, je suis versatile : le dessin, la calligraphie, le design et les vêtements m’attirent assez passionnément. Je vais lancer ce mois-ci ma première ligne dans le prêt à porter masculin, en collaboration avec la marque parisienne Capsul, une série de 6 modèles, par amour.

Justement, chez toi, on trouve plein de pièces de design. C’est important, cet environnement, vu que tu bosses principalement de chez toi ?

Oui. Je suis à la recherche d’un certain climat. Quand vous êtes dans la création, votre lieu de vie doit répondre à vos trips. Tout peut influencer votre journée, une maison c’est central dans la vie d’un homme. C’est la base de tout, si tu me montres ta maison j’ai déjà beaucoup d’éléments pour savoir où tu te situes dans ta tête et où tu ne te situes pas. Ma génération de DJ’s recherche souvent les informations qui les intéressent dans les mêmes canaux, leurs styles, leurs intérieurs, les disques qu’ils jouent sont souvent les mêmes après un certains temps. Les gens traînent sur Instagram et pensent s’inspirer de choses originales, mais ce sont les mêmes algorithmes qui nous frappent, on passe fatalement dans le même entonnoir. L'accès au savoir n’a jamais été aussi facile et dans toutes les capitales je vois les jeunes rués uniquement sur la même application, c’est quand même flippant. Sachant ça, je veux naturellement aller chercher mes inspirations ailleurs, dans le tangible, dans des conversations, dans du vécu. Il suffit de regarder autour de soi. Retourner les questions qu’on vous pose dans une conversation, mobiliser de l’empathie pour le monde qui vous entoure. Ce sont des fulgurances qu’on cherche au final, c’est capturer le moment, et savoir le raconter aux autres.

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