Dans la routine de Gauthier Borsarello Dans la routine de Gauthier Borsarello

Dans la routine de Gauthier Borsarello

Entretiens

Photos Juliette Becerra

Texte Matthieu Morge-Zucconi

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Portrait d'un spécialiste vintage pour Ralph Lauren et Vintage for Fashion.

Gauthier Borsarello nous donne rendez-vous à son showroom, qui se découvre derrière une lourde porte de fer donnant sur une impasse du 11ème arrondissement. Le lieu, bien que rempli de vêtements vintage, sent le neuf. Nous sommes accueillis par Charlie, un chien fort sympathique, et par Gauthier, donc, prêt à nous parler de son quotidien. Attention, l’homme est polyvalent.

Ce lieu, c’est le bureau de Poiret, l’agence fondée par Gauthier et Laurent Laporte, son ami et associé, par ailleurs photographe. D’ici ils pilotent, depuis très peu de temps, des shootings, des campagnes, par exemple dans les pages de Kennedy Magazine - pour Husbands, une marque de costumes. C’est aussi là que se trouve Vintage for Fashion, le showroom de Gauthier, dédié aux vêtements vintages (comme son nom l’indique) et destiné aux designers en quête d’inspiration. « J’ai fini d’installer les portants quinze minutes avant votre arrivée », nous explique Gauthier.

Le vintage, c’est une passion depuis longtemps pour Gauthier, 28 ans. « Mon grand-père, le Docteur Jean-François Borsarello, était l’un des plus grands spécialistes du camouflage, et mon père collectionne le mobilier français du XVIIIème siècle. J’ai donc grandi dans le milieu des collectionneurs ».

Militaire

Très jeune déjà, il se passionne pour les pièces anciennes, avec un fort attrait pour le militaria. « Tout ce qui était khaki, je fonçais », s’amuse-t-il aujourd’hui. On en trouve encore beaucoup aujourd’hui, chez Vintage for Fashion. Du camouflage classique, mais aussi de l’alpenflage, ce camouflage très particulier aux touches rouges, utilisé par l’armée suisse. « Très jeune, puisqu’on était six enfants à la maison, j’ai compris que pour être bien habillé, je devais chiner, aller dans les fripes ». Direction Barbès, Guerrisol, « les classiques ». Là-bas, il achète des jeans Diesel des années 90, plutôt informes, qu’il retravaille et retaille. « Je n’ai plus de pièces de cette époque, mais ça vaudrait le coup d’y jeter un oeil aujourd’hui ». On le croit sur parole.

« Tous les produits vintage que l’on trouve en boutique passent entre mes mains »

Cette passion le conduit à rejoindre une maison prestigieuse, Ralph Lauren. Gauthier Borsarello, en effet, est « vintage specialist » pour RRL, la ligne Heritage de la marque au cavalier. « Tous les produits vintage que l’on trouve au magasin Ralph Lauren de Saint-Germain passent entre mes mains », explique-t-il. Avec aussi un rôle de pédagogue, puisqu’il est amené à former occasionnellement les vendeurs sur l’histoire des vêtements, sur l’inspiration qui se cache derrière les créations de la marque. « Ralph Lauren est une maison faisant beaucoup de référence à l’histoire du vêtement, avec une vraie culture : il faut donc aider les vendeurs sur le sujet, leur donner une sensibilité ». Sur le denim ou les bijoux indiens, chers à RRL, Gauthier est incollable.

Cuba

Ses voyages pour le compte de Ralph Lauren lui font remarquer un manque à Paris. « Je m’apercevais que dans beaucoup d’endroits, on avait des showrooms de vintage très intéressants, et que ça manquait un peu à Paris, c’est ce que j’ai cherché à créer avec Vintage for Fashion ». Là-bas, on trouve toujours cent pièces à la fois, vingt par portant. « Je souhaite éviter que ce soit trop chargé, c’est presque pré-mâché. Ici, on ne chine pas ». Gauthier, lui, chine. Partout, et dans toutes les périodes : « il n’y a pas de thème précis dans le showroom - d’autres le font très bien - mais une véritable volonté de mettre en avant des pièces qui auparavant avaient un véritable usage ». « Form follows function », disait le Bauhaus.

« J’avais peur de ne rien faire d’autre que d’attendre ma retraite »

Charlie

Mais une particularité de Gauthier est qu’il n’a pas toujours été dans la mode. À 21 ans, il était musicien à l’Orchestre du Capitole de Toulouse. Contrebassiste, pour être précis. Avant de rejoindre l’Orchestre de Paris, à la salle Pleyel. Et, très vite, de claquer la porte. « Habituellement, personne ne quitte l’orchestre, car c’est une niche très protégée », raconte-t-il. Surtout lorsque toute sa famille, de son père violoniste à son beau-frère, le violoncelliste Gautier Capuçon, est dans la musique. « Je m’ennuyais, et même si je gagnais bien ma vie, j’avais peur de ne rien faire d’autre que d’attendre ma retraite ». En parallèle de l’orchestre, il travaille pour des maisons prestigieuses comme Cifonelli, tailleur de François Mitterrand, ou Edward Green. La mode n’est pas loin.

« Je ne possède aucun miroir chez moi »

Aujourd’hui, l’homme est donc entre deux jobs : d’un côté, il officie du côté de Ralph Lauren, et de l’autre, il s’occupe de développer ce projet et l’agence qui l’accompagne Poiret. Les journées sont parfois longues. Chaque matin, Gauthier est debout vers 7h30, et ingurgite de l’eau chaude et du miel. « Pas de citron, car je n’aime pas ça ». Pas ou peu de petit déjeuner et le voilà, après une courte session d’exercice à l’aide de l’application Seven, prêt à prendre une douche, avec un savon le plus naturel possible. « Je me rase sous la douche à l’aide d’un Bic trois lames, sans mousse ni rien, à l’aveugle, car je n’ai pas de miroir chez moi ». Un peu de crème hydratante riche, et un parfum - toujours le même, Opus 1870 de Penhaligon’s, depuis ses 17 ans - et le voilà prêt à s’habiller.

« Parfois, j’ai l’air ridicule »

On pourrait imaginer qu’en passionné de vêtements, Gauthier passerait un temps fou devant le miroir à ajuster chaque détail. Que nenni. « Je me fiche un peu de ce dont j’ai l’air, je porte des choses pour leur histoire : un jour je suis en militaire, un jour en indien, un jour en joueur de baseball, et même parfois ridicule, ce qui amuse mon entourage ». Laurent Laporte, au fond du bureau, approuve. Toutefois, il garde en tête quelque chose d’important : porter des vêtements couvrant les huit tatouages qu’il cache sur ses bras. « Je ne les montre jamais ». Eux-aussi ont été choisis pour leur symbolique : « ce sont tous des tatouages marins ; avant de les faire, pour tester ma peau et éviter une éventuelle réaction allergique, je me suis fait tatouer, sur chaque membre, un petit crucifix - là-aussi une tradition marine ». S’il tombe à l’eau, ceux-ci devraient logiquement lui permettre de conserver ses membres intacts. On le lui souhaite, bien entendu.

Gauthier Borsarello

Une vie saine, c’est ce que mène Gauthier : « Je ne bois pas, ou très peu : cela ne me rend ni plus drôle, ni moins drôle, ou peut-être à mes dépens - ma boisson, c’est le Perrier Rondelle ». Un classique. De même, il mange surtout du poisson, de la viande blanche, des légumes, et très peu de féculents. « Je mange toujours dans les mêmes restaurants : lorsque je suis chez Ralph Lauren, un club sandwich sans fromage au PDG, et lorsque je suis au showroom, au Popincourt, où Momo, le patron, me conseille ». Ses sorties sont surtout culturelles, au musée et au concert, forcément. On n’imagine que même si l’on quitte l’orchestre, celui-ci reste un peu ancré en vous. « Je vais à la Philharmonie, à la salle Pleyel ».

« La nourriture ne m’intéresse pas »

« Je me couche tôt, le plus tôt possible. Je ne suis pas très drôle, en fait, je crois ». Sauf trois fois l’an environ : « je sors avec Laurent environ trois fois par an, car je sais que si jamais je bois trop, il s’assurera que tout va bien ». Une rupture avec son style de vie de musicien : « à l’époque, je buvais beaucoup, mangeais beaucoup - c’est un peu fini ». La nourriture, avoue-t-il, ne l’intéresse pas : « je ne ressens pas le besoin de découvrir des choses, de manger dans des restaurants différents chaque jour, je préfère manger ce dont j’ai besoin d’un point de vue nutritif ».

Une vie saine, on vous dit.

Photos : Juliette Becerra

Les produits de la routine matinale de Gauthier Borsarello