Latif Samassi, attaché de presse, parle du rapport à ses cheveux et l’importance de la représentation

Latif Samassi, attaché de presse, parle du rapport à ses cheveux et l’importance de la représentation

Entretiens

Photos Latif Samassi

Texte Paul-Arthur Jean-Marie

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BIEN DANS SA PEAU. Rencontre par ordinateurs et écrans de smartphones interposés avec Latif Samassi. Au programme : discussions autour de l’inclusivité dans la mode, rituels de soin et souvenirs d’acné.

Il fait partie de ces hommes qui ne passent pas inaperçus lorsqu’on tombe sur lui. Même par ordinateurs interposés, deuxième confinement oblige. Latif, 27 ans, a le sourire fringant, la voix enjouée. Attaché de presse pour la maison de mode belge Dries Van Noten, il réside à Paris, où il essaye de maintenir la vie la plus “saine possible mais néanmoins fun” comme il nous l’a expliqué. Une certaine idée de la discipline personnelle pleine de souplesse. Vu le contexte, après avoir répondu à nos questions, c’est tout seul, et avec enthousiasme, qu’il a accepté de photographier son intérieur lui-même avec son téléphone pour partager un peu de ses univers…

Bosser dans la mode, c’est quelque chose dont tu as toujours eu envie ?

Oui, c’est un milieu qui m’a toujours attiré. J’ai grandi avec une mère qui fait attention à son apparence, à ses tenues. C’est presque tout un art pour elle. Ça me vient de là, en grande partie je pense. Seulement, mes parents voulaient que je fasse des études pour des carrières considérées comme plus “nobles et plus stables” : médecin, avocat, ingénieur… J’ai un peu dû ruser pour m’engager dans ma voie. J’ai fait des études de communication, et ensuite une spécialisation dans le luxe sans leur dire. Au bout d’un moment, je leur ai quand même fait comprendre que je devais avoir le dernier mot sur ce que je voulais faire de ma vie et ne leur ai pas laissé le choix. Le reste, c’est de l’histoire (rires).

C’est une industrie très axée sur l’image. Quel impact ça a sur toi ? Sur ton rapport à ta propre image ?

J’ai vite compris qu’il fallait que je me concentre d’abord sur moi et que j’apprenne à aimer mon reflet dans le miroir. C’est très personnel. J’ai besoin de me sentir beau et bien pour pouvoir affronter ce milieu-là justement. C’est bête mais si je ne me sens pas en confiance, je vais avoir du mal à m’exprimer. Par exemple, si j’ai un bouton et que je parle avec un·e styliste ou un·e journaliste, je vais avoir l’impression que la personne le fixe et ça va être difficile de me concentrer. Ça va mieux aujourd’hui mais ça a été un plus gros problème pendant longtemps.

La question de la diversité et de l’inclusivité est de plus en plus discutée dans la mode. Quel est ton avis dessus ?

Ça avance, peut-être lentement, mais ça avance. En tout cas, je pense que c’est important d’en parler, quitte à rabâcher les oreilles des gens. Ça peut sembler superficiel pour certains, mais je pense qu’en grandissant on a besoin de voir des personnes qui nous ressemblent dont la beauté et le corps sont célébrés et mis en avant. C’est un moyen de se sentir valorisé et apprécié. Quand j’étais plus jeune, les modèles qui me ressemblent étaient encore plus rares. Je me rappelle : quand je voyais des mannequins comme Tyson Beckford (mannequin noir phare des années 90, notamment égérie Ralph Lauren, ndlr), c’était un sentiment spécial. J’avais envie de me sentir beau comme eux, aussi joli. Le collège et le lycée, ça peut être compliqué quand tu ne correspond pas aux critères de beauté qui sont majoritairement célébrés. Quand t’as pas un petit nez, des lèvres fines, des traits fins. Et encore moi, je suis un homme. Je pense que quand t’es une femme, noire a fortiori, c’est encore plus hard.

Comment fais-tu attention à ton apparence ?

Ça passe par prendre soin de ma peau. Surtout les soirs. Je me sens obligé sinon je n’arrive pas à dormir. En plus, je porte des lentilles donc quoi qu’il arrive, je passe par la salle de bain. Après le brossage des dents, je me lave le visage avec le nettoyant visage purifiant et j’applique l’hydratant visage matifiant ensuite. Et idem le lendemain matin. Les jours où je me rase, environ deux fois par semaine, je fais un gommage pour éviter les poils incarnés, j’applique un gel à raser et ensuite, je fais un masque et je mets une huile de barbe. J’essaye aussi de faire attention à ce que je mange pour ma peau et mon corps. Pas de malbouffe, beaucoup de légumes et j’évite au maximum les aliments gras. Là c’est compliqué car j’ai une blessure au genou depuis mars, mais j’essaye aussi de garder une bonne activité sportive : du running et du cardio, deux à trois fois par semaine.

Quand as-tu commencé à vraiment prendre soin de toi ?

Dès l’adolescence. Ma mère a joué un gros rôle là aussi. Elle a toujours pris soin d’elle, dans la salle de bain, il y avait des montagnes de produits. Je mettais souvent ces crèmes en douce. En tant que garçon, j’ai aussi vu mon beau-père faire attention à sa peau. A l’époque, il utilisait des produits Clinique. Il en parlait tout le temps et faisait des raids chez Sephora, sur les Champs Elysées, pour s’en procurer. C’est comme ça que j’ai compris que c’était important pour soi et sa santé. Je m’y suis mis très vite par moi-même.

Quel est ton rapport à tes cheveux ?

J’ai longtemps eu les cheveux rasés par habitude. Plus jeune, ma mère me faisait les raser tout le temps, toutes les deux semaines si mon souvenir est bon. C’est un peu la norme pour les hommes noirs en général. Quand j’ai eu plus d’autonomie, j’ai voulu expérimenter plus de choses avec mes cheveux. J’ai fait des trucs un peu border (rires). Par exemple, je me défrisais les cheveux, ce qui n’est pas forcément le mieux car ce sont des produits qui agressent le cuir chevelu. A l’époque, c’était aussi l’apogée de la tecktonik et je dois dire que je le faisais pour suivre la tendance et me fondre dans certains groupes. J’assume à moitié ! Aujourd’hui, j’aime bien laisser pousser mes cheveux au naturel. J’aime l’impression que ça me donne l’air plus gentil et étonnamment moins vieux.

Dirais-tu que tu es bien dans ta peau ?

Oui, mais le chemin a été long. Adolescent et même jeune étudiant, je n’avais pas confiance en moi. J’avais un appareil dentaire et de l’acné. Ce n’est pas évident quand les autres te disent que t’es moche à cause de ça, tu finis par l’intégrer et y croire. J’ai commencé à avoir confiance en moi, une fois que j’ai trouvé des solutions à mes problèmes de peau. Je pense que le plus tu es à l’aise dans ta peau, le plus naturel tu seras dans ton attitude et tes interactions sociales. Les autres le ressentent. C’est un stade de confiance à atteindre où tu sens que tu n’as pas - forcément - de choses à prouver à qui que ce soit.

Et quelles ont été ces solutions ?

Je suis passé par la case dermatologue et on m’a prescrit un traitement assez intense : Roaccutane®, qui est plutôt connu. Ce médicament contient une molécule active dérivée de la vitamine A. Vraiment, je ne supportais pas d’avoir des boutons, donc je les perçais. Ça faisait plus de boutons, et plus de tâches. Un cycle infernal.

On entend souvent que c’est un traitement dur et qui peut laisser des séquelles psychiques et physiques.

Tout à fait. Je suis passé par des épisodes de dépression. A ce moment-là, je vivais à Strasbourg pour mes études et j’étais éloigné de ma famille et de mes amis proches. Ce n’est pas simple de gérer une acné après le bac, le moment où tu as envie de plaire et de séduire. J’en ai pris pendant neuf mois et après, bonjour la peau de bébé ! En termes de séquelles, j’ai l’impression d’avoir jusqu’ici été épargné. Je touche du bois !

Quand on te rencontre ou si on te suit sur les réseaux sociaux, on a l’impression que tu débordes d’assurance. Est-ce que tu as encore des insécurités ?

C’est la magie ou le drame, comme on veut, des réseaux sociaux. Quand je regarde mon profil sur Instagram par exemple, j’ai l’impression que l’on voit un pitre. En effet, les retours que j’ai en général vont plus se porter sur le fait que j’ai l’air d’être une personne méga en confiance. Les réseaux sociaux pour moi sont un moyen d’expression, et j’ai tendance certes à tout prendre à la rigolade. Même si je suis bien dans ma peau, évidemment que j’ai mes insécurités qui me tourmentent de temps à autre. J’ai appris à en rire, avec mes potes par exemple. C’est une façon de faire qui vient avec l’âge, on prend plus de recul. Je pense que c’est important de trouver des choses qui te plaisent chez toi, d’apprendre à les mettre en valeur. L’idéal, c’est de faire le maximum pour éviter la négativité des autres, et savoir prendre les compliments quand on en reçoit.

Tu parles de rire avec des potes de tes complexes. Pourtant, ça reste encore assez tabou entre hommes de parler de soin, d’assumer qu’ils prennent soin d’eux.

Les hommes ressentent encore le besoin d’être ces modèles ultimes de virilité. Mais ça ne veut plus dire grand chose à mon avis. C’est une pression sociale : on veut paraître fort et dur. Pourtant prendre soin de soi, c’est tout ce qu’il y a de plus normal, si je peux dire. Il faut mettre fin à ce complexe et on y arrivera si plus d’hommes parlent sans tabou de ce qu’ils font pour eux : il y a qui font des gommages, qui font du sport, des régimes, mettent de la crème, d’autres qui font des UV ou qui se maquillent. On a tous nos petits trucs et c’est totalement OK.

La routine rasage de Latif

Gommage Visage Doux
Gel à Raser
Masque Purifiant Visage
Huile pour Barbe Patchouli & Cèdre