À Paris, il existe une clinique du rasoir électrique
Photos Pauline Allione
Texte Pauline Allione
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Depuis près de 60 ans, un petit atelier parisien répare les rasoirs et tondeuses électriques.
À quelques pas de la Bastille, rue de la Roquette, une vitrine étroite indique que nous y sommes. Les mots “Clinique du rasoir électrique” sont écrits en lettres capitales, sur une devanture vieillie par le temps. Passée la porte d’entrée, l’impression d’accumulation prend le dessus : les boîtes s’entassent de tous les côtés, dans ce petit atelier de quelques mètres carrés seulement. Du lundi au samedi, Jacques Guillaume est installé derrière le comptoir, où il s’occupe des réparations et de l’accueil des clients. Cela fait maintenant plus de 50 ans (depuis 1962, plus exactement) que le maître artisan prodigue des soins aux rasoirs abîmés. “Je répare tout, des Braun, des Philips et toutes sortes de rasoirs et de tondeuses” assure le Parisien, qui ne compte plus le nombre d’appareils qui sont passés entre ses mains : certainement “des milliers”, lance-t-il.
“Les prix les plus bas de Paris”
Ce savoir-faire, il l’a acquis à Limoges, il y a plusieurs décennies. “J’étais apprenti dans une maison de dépannage radio et on faisait du petit électroménager, dont des rasoirs. J’ai tout appris sur place.” En une journée maximum, Jacques Guillaume rend des rasoirs en état de marche à ses clients, pour une somme comprise entre 20 et 50 euros. Un tarif raisonnable qui fait écho à sa vitrine, qui affirme que l’on y trouve “les prix les plus bas de Paris”. Plutôt logique, selon l’artisan : “Je n’ai plus de concurrents depuis des années”, assure ce dernier. S’il n’a pas réellement le monopole du marché parisien, son atelier a vu passer quelques noms célèbres durant toutes ces années de service. “J’ai eu, entre autre, la garde républicaine et quelques hommes politiques” confie Jacques Guillaume, qui a notamment réparé le rasoir d’Alain Poher - ancien président du Sénat et président de la République par intérim entre Pompidou et Giscard d’Estaing - dans les années 80, et celui du chanteur Eddy Constantine.
Une réputation qui n’est plus à faire
Dans sa boutique, les choses fonctionnent surtout grâce au bouche à oreille. “Certains ne viennent qu’une fois, tandis qu’avec d’autres on sympathise, ils deviennent des clients réguliers”, explique le gérant. Son savoir-faire n’est d’ailleurs pas exclusivement réservé aux Parisiens, puisque certains clients provinciaux lui font parvenir leur rasoir par colis. Mais sa réputation de maître-artisan à qui aucun petit électroménager ne résiste lui a aussi valu quelques rencontres originales. “Un jour, un type avec une mine patibulaire a posé un grand sac sur le comptoir. Il m’a dit “Il paraît que vous savez tout réparer”, et il m’a sorti des godemichets. Je lui ai demandé s’ils étaient neufs, il m’a répondu “Certains, oui””. Bien tenté, mais l’homme en question restera finalement sur un échec dans la Clinique du rasoir électrique, où l’on préfère s’en tenir aux barbes.
Si l’atelier de Jacques Guillaume tourne six jours sur sept, il ne survivra certainement pas à la retraite de son propriétaire, puisque ce dernier n’a pas trouvé de repreneur. Mais d’ici là, le maître artisan continue de remettre sur pied les lames fatiguées et mécanismes usés… Parce que vos barbes le valent bien.